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mardi 2 août 2016

Freud et ses Cinq leçons sur la psychanalyse (1909-10)

Je vous partage ici une fiche qui résume et explique les concepts développés par Freud dans ses Cinq leçons sur la psychanalyse (Über Psychoanalyse) au tout début du XXème siècle. Les phrases sont souvent sous formes de notes afin de vraiment éclaircir sa pensée mais vous vous habituerez rapidement. ;)

❖ Préface 
Livre qui retrace l’histoire de la naissance de la psychanalyse autour d’une triple naissance : mouvement psychanalytique / méthode clinique / édifice théorique. L’invention de la psychanalyse constitue une révolution dans les sciences humaines / de l’homme, avec 3 notions fondamentales : la dimension dynamique de la vie psychique, la question du déterminisme, la question de la résistance, résistance qui représente chez les patients une non-volonté de se débarrasser de leurs symptômes : Un sujet sain est un sujet qui résiste.  En effet, la résistance est nécessaire pour conserver l’équilibre psychique et une santé mentale (même relative). Freud cherche ici à ébranler des préjugés et solliciter l’effort de pensée en s’appuyant sur ses observations cliniques. Il élabore ainsi une nouvelle technique psychanalytique en traitant une patiente hystérique et théorise l’importance de la relation thérapeutique. — Pour Freud, il n’y a pas de hasard mais seulement des manifestations de l’inconscient (ex. lapsus). Le refoulement est, écrit-il, « un processus supposé par moi et je l’ai considéré prouvé par l’existence indéniable de la résistance ». Il suggère aussi que la répétition est à l’œuvre dans le symptôme (ex. souvenirs inconscients sont revisités). Il développe de plus le concept de déterminisme psychique. Trois résistances : patients à la guérison, Freud pour maintenir ses théories, public et scientifiques à admettre les théorisations freudiennes. Freud mauvaise réputation à cause de son postulat en 1909 de la centralisé de la sexualité infantile dans la dynamique du psychisme humain mais considère la résistance de son public comme critère de scientificité de ses théories.

❖ Première leçon : Origine de la psychanalyse / Observation du Dr Breuer / Les traumatismes psychiques / Les hystériques souffrent de réminiscences / Le traitement cathartique / L’hystérie de conversion

Dr. Joseph Brauer (travaux sur la respiration et sur la physiologie du sens de l’équilibre) : traitement d’une jeune fille hystérique aux symptômes multiples ex. altération de la fonction du langage, états de confusion ou de délire, etc. À la source, de violents chocs affectifs = pas une affection organique mais bien de l’hystérie (= expression d’un conflit psychique par des manifestations fonctionnelles sans lésion organique). 
« Si le diagnostic d’hystérie touche peu le malade, il touche beaucoup le médecin. […] Il ne peut comprendre l’hystérie, en face d’elle il est incompétent. […] Les hystériques perdent donc la sympathie du médecin, qui […] les accuse d’exagération et de simulations intentionnelles ; et il les punit en leur retirant son intérêt. » ≠ Dr. Breuer  

Présence de fantaisies dont l’aveu sous hypnose permet un rétablissement de courte durée « C’étaient des fantaisies d’une profonde tristesse, souvent même d’une certaine beauté — nous dirons des rêves diurnes — qui avaient pour thème une jeune fille au chevet de son père malade. » → talking cure. Les symptômes apparaissent comme des résidus d’expériences émotives = traumatismes psychiques. On remarque de plus un certain processus de répétition : « Les hystériques souffrent de réminiscences. Leurs symptômes sont les résidus et les symboles de certains évènements (traumatiques). Symboles commémoratifs, à vrai dire. […] Ils ne se libèrent pas du passé et négligent pour lui la réalité et le présent. Cette fixation de la vie mentale aux traumatismes pathogènes est un des caractères les plus importants et, dans la pratique, les plus significatifs de la névrose. »

  • Place du processus affectif 
Importance du refoulement d’un affect lors de l’évènement traumatique : ce refoulement cause les symptômes qui sont supprimés dès que l’affect est exprimé. «  Ces affects coincés ont une double destinée » : 1) deviennent une source d’irritation perpétuelle de la psyché, ou 2) se transforment en symptômes physiques = hystérie de conversion qui est l’« expression des affects exagérée et qui se traduit par des moyens inaccoutumés ».

  • Importance des états de conscience
Multiplicité des états d’âme, états psychiques dont un seul peut être conscient à la fois. « Dans un seul et même individu, il peut y avoir plusieurs groupements psychiques, assez indépendants pour qu’ils ne sachent rien les uns des autres et qui tirent alternativement la conscience à eux. » Hypothèse de Breuer concernant la provocation de l’hystérie durant des états d’âme spéciaux appelés hypnoïdes. 

Women under Hysteria - D.M. Bourneville and P. Régnard

❖Deuxième leçon : Conception nouvelle de l’hystérie / Refoulement et résistance / Le conflit psychique / Le symptôme est le substituant d’une idée refoulée / La méthode psychanalytique

Influence de Charcot (recherches sur l’hystérie) et son disciple Pierre Janet (processus psychique de l’hystérie) → théorie autour du dédoublement mental et de la dissociation de la personnalité de Freud et Breuer. Théorie de Janet repose sur le rôle de l’hérédité et de la dégénérescence desquels serait originelle la maladie. Pour lui, les hystériques ont de la difficulté à réaliser des synthèses psychiques, ce qui créé la tendance à la dissociation mentale. 
« On constate chez les hystériques certaines capacités qui diminuent, d’autres qui augmentent, comme s’ils voulaient compenser d’un côté ce qui est réduit de l’autre. »

Freud volonté de se faire une opinion sur l’origine de cette dissociation avec une importance donnée à la pratique (est répulsif à l’hypnose) : s’inspire du somnambulisme hypnotique de Bernheim avec sa possibilité de faire ressortir les souvenirs à l’état normal (∅ hypnotisés) en leur affirmant qu’ils s’en souviennent. « La preuve était faite que les souvenirs oubliés ne sont pas perdus […] mais il existe une force qui les empêche de devenir conscients et les oblige à rester inconscients. […] Cette force, qui maintient l’état morbide, on l’éprouve comme une résistance opposée par le malade. » Nécessité de supprimer cette résistance pour permettre la guérison. Forces qui résistent sont les mêmes que les forces qui refoulent. Le refoulement permet d’éviter le conflit intérieur en refoulant le souhait qui n’est pas en adéquation avec les valeurs ou goûts du sujet, « il apparaît ainsi comme un moyen de protéger la personne psychique. » Le clivage psychique = conflit de deux forces psychiques, « résultat d’une révolte active des deux constellations psychiques, le conscient et l’inconscient, l’une contre l’autre. » Si le conflit psychique est fréquent, il n’aboutit pas toujours à un clivage / une dissociation. 

La tâche du médecin est de supprimer le refoulement pour que la psyché soit en paix, idée refoulée qui peut se substituer derrière un ‘déguisement’ = le symptôme. Cette suppression du refoulement peut susciter trois différentes réactions :
  • l’acceptation du souhait plus ou moins partielle
  • la sublimation = redirection vers un but plus élevé (ex. une création artistique)
  • la condamnation morale du souhait s/ le mode d’une domination consciente  

❖ Troisième leçon : Le principe du déterminisme psychique / Le mot d’esprit / Le complexe / Les rêves et leur interprétation / L’analyse des rêves / Actes manqués, lapsus, actes symptomatiques / Multiple motivation — Explication et théorisation de la méthode psychanalytique 

Efficacité relative de la méthode sans hypnose. Importance de C.G.Jung et son principe de déterminisme psychique. Observation : combat entre deux forces chez le patient 1) effort conscient pour se souvenir VS 2) résistance qui contient objets refoulés, avec une corrélation entre la déformation symbolique de ces objets et la force de la résistance. 

Procédés permettant de sonder l’inconscient : 
  • Étude de phénomènes psychiques comme les mots d’esprit = « ces idées-substituts qui surgissent à la place des souvenirs oubliés » ou les complexes = « tout groupe d’éléments représentatifs liés ensemble et chargés d’affect », nécessité rechercher un complexe refoulé. Expérience d’associations libres imaginée par Jung et ses élèves. Pendant cette recherche, sorte d’arrêt des associations libres est possible : exprime la suppression de l’idée par un jugement critique sur l’idée.
  • Le travail onirique « L’interprétation des rêves est […] la voie royale de la connaissance de l’inconscient. » cf. ouvrage éponyme de 1900. « Tous les rêves ne sont pas étrangers au rêveur, incompréhensibles et confus pour lui. » Enfants expression souhaits de la veille ≠ Adultes différentiation entre le contenu manifeste du rêve et ses idées oniriques latentes : même déformation du refoulé que celle à l’origine des symptômes de l’hystérie + même contraste de forces psychiques avec la défense du moi. « Le rêveur ne déchiffre pas plus le sens de ses rêves que l’hystérique ne pénètre la signification de ses symptômes. » Contenu manifeste du rêve = « réalisation déguisée de souhaits refoulés ». Processus psychiques entre conscient / inconscient : condensation et déplacement. « Par le rêve, c’est l’enfant qui continue à vivre dans l’homme, avec ses particularités et ses souhaits ». Certains symboles oniriques tenant d’un supposé imaginaire populaire. Cauchemars : souhaits refoulés refusés par le moi. 
  • Étude des actes manqués, lapsus, tics, etc. : même origine des souhaits et complexes refoulés. 
⟹ Importance du déterminisme psychique (∅ arbitraire, ∅ hasard)

But psychanalyste : « Ramener à la surface de la conscience tout ce qui en a été refoulé. […] La psychanalyse provoque donc […] la même résistance qu’elle provoque chez les malades. »

❖ Quatrième leçon : Les complexes pathogènes / Les symptômes morbides sont liés à la sexualité / La sexualité infantile / L’auto-érotisme / La libido et son évolution / Perversion sexuelle / Le complexe d’Œdipe

Part étiologique importante du facteur sexuel mais difficulté de dévoiler ses propres troubles sexuels. Autres symptômes proviennent d’évènements ayant eu lieu pendant la puberté ou la jeune enfance → existence d’une sexualité infantile ? Selon le Dr Sanford Bell, « L’émotion sexuelle n’apparaît pas pour la première fois au cours de l’adolescence » mais est bien présente dès le plus jeune âge, pour ensuite évoluer pendant le cours de la vie et dès la puberté. Plusieurs phases chronologiques : phase de l’auto-érotisme (avec différentes zones érogènes), apparition de la libido (avec intervention d’une autre personne et deux groupes : actif et passif). On a parfois un passage au stade du choix de l’autre personne qui devient alors primordiale (sans différence de sexe). « La plupart du temps, à la fin de la puberté, le caractère sexuel définitif de l’individu est formé » avec 1) la suprématie de la zone génitale sur le reste du corps et 2) la disparition de l’auto-érotisme avec le désir d’une personne étrangère. 


On a des différences dans le développement des fonctions sexuelles qui peuvent mener à la perversion (// fétichisme) ou l’infantilisme. Éducation : refoulement de cette libido autour de la pudeur, la morale, etc. Le refoulement moins général des perversions peut conduire à la formation de névroses. Importance du complexe d’Œdipe. Le traitement psychanalytique vise à surmonter d’éventuels résidus de cette enfance.

❖ Cinquième leçon : Nature et signification des névroses / La fuite hors de la réalité / Le refuge dans la maladie / La régression / Relations entre les phénomènes pathologiques et diverses manifestations de la vie normale / L’art / Le transfert / La sublimation

« Les hommes tombent malades quand […] la satisfaction de leurs besoins érotiques leur est refusée dans la réalité. Nous voyons alors qu’ils se réfugient dans la maladie » afin d’obtenir ces plaisirs. Plaisirs trouvés dans des substituts expliquent la résistance des patients à guérir. « La fuite hors de la réalité pénible ne va jamais sans provoquer un certain bien-être, même lorsqu’elle aboutit à cet état que nous appelons maladie parce qu’il est préjudiciable biologiquement. » Cette fuite s’accomplit selon deux types de régression (temporelle et formelle) qui vise un retour à l’enfance avec rétablissement d’une étape de la sexualité infantile. Les exigences de la culture + la pression de nos refoulements → création d’une vie intérieure de fantaisie (représentative essence de la personnalité). On a soit une transmutation des fantaisies dans la réalité, soit un repliement sur soi, soit une sublimation à travers la création artistique (cf. Otto Rank, L’art et l’artiste). Lors de la thérapie, on a une confirmation du rôle de la sexualité avec un phénomène de transfert des affects refoulés sur le médecin. Il n’y a pas de conflit entre le souhait libéré et les acquisitions morales ou culturelles car « la force psychique et physique d’un souhait est bien plus grande quand il baigne dans l’inconscient que lorsqu’il s’impose à la conscience. » Trois moyens de rendre ce désir inoffensif : la maîtrise critique avec recul (voire la condamnation), le retour à sa fonction originelle et la sublimation. 

« Notre civilisation, qui prétend à une autre culture, rend en réalité la vie trop difficile à la plupart des individus et, par l’effroi de la réalité, provoque des névroses sans qu’elle ait rien à gagner à cet excès de refoulement sexuel. […] Notre idéal de civilisation n’exige pas qu’on renonce à la satisfaction de l’individu. » (cf. Le malaise dans la culture) Nécessité accepter la dimension animale de l’homme et besoin humain de l’énergie créée par la pulsion sexuelle. 


-- Emi

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